Marion BEAUPÈRE
Ingénieure d'études
IPBS - Toulouse
Tout d’abord, je tenais à remercier la French Proteomic Society pour l’attribution d’une bourse qui m’a permis d’assister au congrès SMAP, qui avait lieu cette année à Lille. De plus, je les remercie de m’avoir permis de présenter mes travaux de recherche, portant sur la caractérisation des protéines de transport lipidique au sein de la mycomembrane par une approche couplée de crosslink-AP-MS, lors d’une des sessions de poster.
La SMAP, congrès conjointement organisé par la FPS et la SFSM, a cette année encore réuni de nombreux participants, ainsi que des invités de renommée internationale, pour présenter les nombreuses avancées technologiques et les applications en termes de protéomique et de spectrométrie de masse. Ces 4 jours de conférence ont été riches et denses en présentations, dans de nombreux domaines variés et interdisciplinaires. Les centaines de participants ont ainsi pu assister à des présentations plénières dès la première heure, avec des invités de prestige, tels que le « père de l’orbitrap », Alexander Makarov, puis choisir entre les 2 différents sujets de sessions parallèles, lors desquelles de nombreux intervenants ont pu présenter leurs travaux innovants. Par la suite, ils ont pu, autour d’un café, échanger sur les (très) nombreux posters présentés dans l’espace d’exposition du grand palais de Lille, avant de pouvoir retourner assister aux sessions parallèles de fin de matinée et de l’après-midi. Pour terminer, une présentation plénière venait conclure une de ces journées-types, riches en connaissances et en échanges techniques et scientifiques.
Pour ma part, j’ai pu particulièrement apprécier la session « Interactomics » qui se tenait le 2ème jour en fin de matinée. J’ai pu ainsi assister à la présentation de Julia Chamot-Rooke, directrice du laboratoire de spectrométrie de masse pour la biologie (MSBio) de l’institut Pasteur à Paris, portant sur l’approche crosslink –spectrométrie de masse pour réaliser avec succès les études structurales ou des interactions protéines-protéines. Les approches de crosslink, qu’elles soient in vivo ou in vitro, ont fait l’objet d’un intérêt croissant ces dernières années. En effet, la stabilisation des complexes protéiques par l’usage d’un « crosslinker » (comme le formaldéhyde ou PhoX par exemple) permet de préserver et faciliter l’observation de l’articulation de différentes sous-unités protéiques entre elles, ou encore de pouvoir appréhender la dynamique protéique en étudiant les partenaires d’une protéine d’intérêt, et ce, sur des échantillons biologiques relativement complexes. Cependant, dans ce type d’approche, il est coutumier d’ajouter des étapes d’enrichissement et/ou de fractionnement des protéines d’intérêt dans le but d’obtenir la mesure la plus juste et précise, sans pollution de signal par d’autres protéines plus abondantes, par exemple. Dans cet optique-là, et afin de pouvoir étudier les interactions d’un complexe impliqué dans la virulence de la bactérie Neisseria meningitidis, le laboratoire a pu développer l’usage d’un crosslinker in vivo : NNP91. Ce crosslinker permet un enrichissement rapide et pratique grâce notamment à la technologie « chimie clic » et est clivable par lumière UV. Ainsi, après la culture et le crosslinking, les protéines sont extraites (FASP) et digérées. Puis, les peptides crosslinkés sont purifiés sur billes magnétiques et lavés. Enfin, les billes sont retirées grâce à la lumière UV avant analyses par LC-MSMS. Ainsi, ce protocole ne nécessite pas de fractionnement de l’échantillon au préalable. Cependant, malgré la praticité du protocole, la présence de protéines d’abondance bien supérieure à la protéine membranaire d’intérêt n’a pas permis l’obtention de données XL-MS satisfaisantes quant à l’interactome de la protéine T4P. Ainsi, l’équipe s’est interrogée par rapport à l’existence d’une règle pré-établie qui permettrait aux chercheurs de connaître, à l’avance, la pertinence de l’emploi d’approches XL-MS pour l’étude de leurs protéines, notamment concernant l’abondance de ces dernières.
Pour ce faire, ils ont réalisé une « analyse iBAQ », c’est-à-dire un ranking des protéines identifiées/quantifiées en fonction de leurs iBAQ (abondance d’une protéine/nombre de peptides observables en MS pour cette protéine), puis un plot de ces iBAQ en fonction du ranking. Ils ont pu observer que leur protéine ne se trouvait pas parmi les protéines les plus abondantes de l’échantillon. En effet, les protéines les plus abondantes, et permettant l’observation du plus grand nombre de peptides crosslinkés, étaient des protéines cytosoliques. Après avoir réalisé une nouvelle analyse XL-MS avec une étape d’isolement de la membrane, les résultats concernant les peptides crosslinkés se sont révélés bien meilleurs. La nouvelle analyse iBAQ réalisée sur ces résultats a permis de démontrer qu’après enrichissement en protéines membranaires, les protéines d’intérêt se trouvaient cette fois-ci dans les 20% des protéines les plus abondantes de l’échantillon. Après confrontation de cette observation avec d’autres jeux de données XL-MS disponibles, l’équipe est alors arrivée à la conclusion suivante : Si la protéine d’intérêt ne se trouve pas dans les 20% des protéines les plus abondantes du système, l’étude par XL-MS ne sera pas satisfaisante sans étapes d’enrichissement ou de fractionnement supplémentaires, car le signal risque d’être réduit par celui des protéines cytosoliques abondantes. En enrichissant l’échantillon, le nombre observé de peptides crosslinkés relatifs aux protéines d’intérêt a de grandes chances d’être plus satisfaisant. En résumé, le laboratoire préconise, pour le succès des études de crosslink des protéines, de :
- Réaliser une analyse iBAQ à partir de données de protéolyse à la trypsine
- Évaluer le rang de la protéine d’intérêt
- Si ce rang est inférieur au 20% des protéines les plus abondantes, ajouter des étapes d’enrichissement et/ou de fractionnement de l’échantillon biologique.
L’établissement de cette « nouvelle règle » permettra aux nombreuses études de XL-MS de pouvoir être réalisées avec succès sans trop de pertes chronophages relatives à l’optimisation des protocoles de préparation d’échantillons.
Pour conclure, les 4 journées du congrès SMAP m’ont permis de découvrir de nouvelles techniques et technologies innovantes en protéomique et spectrométrie de masse, et d’enrichir mes connaissances sur divers domaines. Les échanges que j’ai pu avoir avec différents interlocuteurs me seront également très utiles dans la poursuite de mes projets au laboratoire. Je tiens donc à remercier une nouvelle fois la FPS de m’avoir attribué cette bourse, ainsi que les nombreuses personnes responsables de l’organisation et de la belle réalisation de ce congrès.