Amélie BOSC ROSATI
Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale (IPBS), CNRS
Toulouse, France
amelie.bosc-rosati (at) ipbs.fr
Présentation
L'école d'été de Brixen est un événement annuel qui réunit des participants engagés ou souhaitant s'engager dans le domaine de la protéomique. Cette 16ème édition se déroule, comme chaque année, au monastère de Kloster Neustift à Brixen, dans le Sud-Tyrol. Grâce au soutien de nombreux sponsors, les étudiants ont l'opportunité d'assister à des cours et des ateliers animés par des experts du domaine, couvrant l'ensemble des connaissances de base en protéomique sur une semaine.
Les enseignements sont organisés en plusieurs sections : des conférences de base - pour passer en revue les technologies et approches utilisées en protéomique, des présentations d'entreprises - où les sociétés présentent leurs innovations en outils logiciels et instrumentaux, ainsi que leurs propres recherches, et des conférences de recherche - abordant les applications pratiques de la protéomique et les projets en cours ayant un impact dans le domaine. Trois sessions d'ateliers ont permis aux participants d'acquérir une expérience pratique dans des domaines spécifiques, avec des conseils d'experts. Bien que cela ne fasse pas partie du programme académique, les activités extérieures et les soirées organisées par les hôtes ont apporté une atmosphère conviviale et amicale à cette école d'été.
Opening lectures
TOPAS project : Exploiting the tumor proteome activity status for future cancer therapies par Bernhard Kuster était la première conférence de la série. Bernhard a commencé par introduire l'idée que le réseau moléculaire des pathways lié au cancer était très hétérogène, contexte-dépendant et pouvait varier énormément d’un individu à l’autre. D’où l’importance de comprendre la biologie tumorale d’un patient donné afin d’identifier les mécanismes susceptibles d’avoir une action thérapeutique. Il a ensuite rappelé que la plupart des médicaments thérapeutiques agissent sur les protéines, mais que tous les médicaments connus de nos jours n’ont rarement pas qu’un seul effet sur un organisme, mais dépendent surtout du dosage, « in a dose-dependent fashion ». La spectrométrie de masse quantitative étant une des approches les plus efficaces dans la caractérisation de l’ensemble du protéome de patients atteints de tumeur, il nous présente leur approche permettant le profilage de phosphoprotéome de patients cancéreux et comment ils obtiennent des informations sur les moteurs moléculaires probables des maladies individuelles. Pour cela, ils décrivent leurs technologies decryptT, decryptM et decryptE qui mesurent la déconvolution de leurs cibles. Enfin, leur but étant de parvenir à des recommandations de traitement individuelles au sein de panels de tumeurs, mais également de partager les données acquises avec la communauté scientifiques, il a également pu présenter leurs approches ProteomicsDB qui contenaient des millions de courbes de dose-réponse pour plus de 150 médicaments anticancéreux et les phosphoprotéomes de centaines de lignées cellulaires cancéreuses.
Basics lectures
Dans sa conférence sur la préparation des échantillons en protéomique, Kelly Stecker a discuté des étapes essentielles à suivre, à partir de cellules intactes jusqu’au peptide prêts à être injecté au LC-MS. Lyse, digestion et nettoyage des échantillons ont été abordés ainsi que les enjeux de choisir les meilleures méthodes de purification d’affinité, d’enrichissement de modifications post-traductionnelles spécifiques à chaque problématique. On ressort de cette lecture avec les clés nous permettant une compréhension détaillée de comment designer et s’approprier une méthode de préparation d’échantillons pour ses propres expériences.
Michael Washburn – Peptide Separations, chromatography is key. Après avoir rappelé que la protéomique était autrefois dominée par une technologie appelée gel électrophorèse 2D, et que ceux-ci demandaient un travail extrêmement laborieux à l’époque, les scientifiques s’intéressent aujourd'hui à des technologies permettant de prendre une mixture de protéines, digérer l’échantillon entier et analyser tous les peptides recueillis le plus vite possible. Mais en principe, cela n’est pas possible sans une excellente séparation peptidique par une approche HPLC étant donné qu'aucun spectromètre de masse ne peut analyser tout en même temps.
Monika Peplnjak a la volonté d’améliorer la quantification en DIA. Elle a présenté dans cette étude une quantification basée sur l’étude la plus diversifiée d’expériences de véritables expériences en termes de chromatographies, de quantité d’échantillons injectés, de conception de design expérimentaux et d’instrumentation MS. Ils ont surtout exprimé le fait que, si l’augmentation des identifications est importante, l’augmentation des identifications qui sont belles et bien quantifiables est encore plus importante. De plus, tandis que les outliers peuvent affecter la précision et l’exactitude globale, ils ne changent pas l’information biologique.
Nous avons ensuite eu droit à une introduction à la spectrométrie de masse en biologie par Julia Chamot-Rooke. Elle nous a rappelé que la MS était un outil analytique extrêmement puissant puis nous a par la suite détaillé chaque composante d’un spectromètre de masse, et chaque étape d’une analyse MS. Méthodes d’ionisation, séparation des ions par différents types d’analyseurs et détecteurs ont été passé au peigne fin. Il faut retenir que le choix des méthodes d’ionisation, d’analyser, ou de mode de fragmentation dépendent des spécificités de l’application et des propriétés de la molécule analysée.
Enfin, suivant la logique d’un workflow d’analyse protéomique en spectrométrie de masse, Matthias Wilhelm nous offre une lecture recensant le passé, le présent et le futur de l’identification protéique, du spectre aux peptides et enfin aux protéines. Il nous a détaillé l’histoire la spectrométrie de masse en tandem en protéomique depuis la fin du 20ème siècle, notamment la fragmentation qui a révolutionné l’identification permettant de passer de peptides aux plus petits ions et offrant des motifs de séquence de fragmentation spécifiques. Par la suite, l’arrive du FDR (False Discovery rate) et de l’approche target-decoy a contribué à une avancée importante, assurant une plus grande fiabilité et précision dans l’identification, permettant notamment de distinguer les vraies identifications des fausses, augmentant drastiquement la crédibilité des résultats ! Enfin, il aborde la nouvelle hype de l’intelligence artificielle et nous laisse nous interroger sur les possibles avancés majeures qu’elle apportera dans le domaine.
Company presentations
Eduardo Carrascosa (Brucker) Trapped Ion Mobility Separation. Ici, nous avons eu un aperçu des principes du Tims et comment il prend en charge les différentes variantes du mode d’acquisition dia-PASEF. Il a également partagé quelques conseils sur la manière dont le Tims peut encore être amélioré pour débloquer de nouvelles applications et supporter de nouvelles configurations.
Oliver Poetz à présenté de nouveaux biomarqueurs utilisables en MS pour la compagnie Signatope. En utilisant la LC-MSMS d’immuno-affinité pour établir un panel d’essai protéique capable de mesurer des biomarqueurs des liaisons rénales, vasculaires, pancréatiques et hépatiques induites par des médicaments chez les humains. Le concept est, qu’après-digestion les peptides dérivés des biomarqueurs seront enrichis en utilisant des anticorps multi-spécifiques dirigés contre ces biomarqueurs. Les peptides enrichis sont par la suite détectés et quantifiés par nano LC-MSMS avec en référence des peptides standards synthétique isotope.
La compagnie Evosep, représentée ici par Britta Diedrich, nous a présenté les nouveautés et les avancés de leur matériel dans le cadre des analyses haut débit. Notamment l’EvosepOne qui permet d’apporter une standardisation des méthodes LC et donc une analyse significativement plus rapide et robuste de fait de sa reproductibilité dans la préparation d’échantillons. Le fait également qu’il permette une analyse sur des quantités de matériel de plus en plus minimes, permet, couplé à un spectromètre de masse moderne, une analyse extrêmement sensible.
Research lectures
Michael MacCoss de l’université de Washington, nous a présenté ses travaux protéomiques sur la maladie d’Alzheimer (AD). Son but est d’apporter une meilleure compréhension de la signature moléculaire de cette maladie en construisant une cohorte unique d'échantillons de cerveaux humains comprenant différentes sous-classes d’AD.
Olga Vitek, quant à elle, nous a démontré l’importance du design statistique comprenant la randomisation, la réplication et le blocage, sur une analyse de protéomique quantitative. Elle a également discuté des tests statiques basiques et dans quel cas les utiliser.
Judith Villen de Washington encore une fois, nous a présenté ses recherches sur l’analyse des modifications post-traductionnelles, en commençant par aborder le fait qu’à cause de la très grande diversité de celle-ci, leur caractérisation pouvait d’avérer ambitieuse et complexe. Elle nous a surtout présenté les phosphorylations et ubiquitinations, mais également des PTMs moins répandues tel que les palmitoylations et glycosylations ainsi que les forces et faiblesses de leurs enrichissements sur la paillasse, mais aussi lors de l’acquisition de données.
Carla Schmidt a présenté une approche protéomique plus structurale via ses travaux basés sur la MS en condition native ainsi que le cross-linking.
Nous avons pu voir une autre approche qui utilisait également la MS avec Markus Ralser, cette approche étant cette fois non pas l’analyse des protéines, mais des métabolites et surtout comment intégrer ces résultats de métabolomique à ses analyses protéomiques ouvrant la voie à l’analyse multi-omique.
L’analyse single cell est au coeur des sujets de nos jours et ne cesse de progresser avec une extrême rapidité. Ryan Kelly nous en a donc parlé durant son talk et nous liste les bénéfices de l’étude du protéome d’une unique cellule, notamment de la couverture approfondie du protéome que l’on peut obtenir, c’est-à-dire l’identification d’un peu plus de 3 000 protéines dans des cellules de mammifères, mais également dans des cellules de tissu.
Closing lectures
Pour clôturer ces lectures, Thierry Rabilloud de l’université de Grenoble, nous a fait une rétrospective de plus de 30 ans de la protéomique, ou plutôt de comment nous en sommes arrivés aujourd’hui à l’analyse protéomique haut-débit extrêmement puissante, en partant simplement de l’analyse protéomique obtenue à partir de gel 2D !
En plus de ces lectures très enrichissantes, nous avons eu la chance d’avoir le choix de suivre 3 workshops sur la petite dizaine qui était proposés, comprenant, pour en citer quelques, un, des conseils sur la préparation d’échantillons, les identifications protéiques et peptidiques, l’étude des modifications post-traductionnelles, ou encore l’utilisation de la DIA.
Chaque étudiant a également pu présenter dans une session poster ses travaux, mais également découvrir et ouvrir ses connaissances sur les travaux des autres.